RÉCIT DE Jean-Pierre LAGACHE le Ch'ti Chouan
 

Quelques bateaux de l’escadre de l’atlantique, font escale à Vigo fin novembre 1970. De mémoire, l’EE Surcouf, ER Le Normand, Le Corse et un sous marin... La première sortie à terre se passe mal. Les flics de Franco tirent à balles réelles sur les marins. Six blessés français et un flic tué ! Les équipages sont consignés. Le troisième jour les autorités espagnoles organisent une excursion à Saint Jacques de Compostelle pour le quart de service le jour des incidents.

J’abrège, mais en reprenant la mer, poste de navigation, je suis à la barre, la VHF est à mes côtés. Le Surcouf demande le pacha pour fournir à l’amiral les livrets militaires de maîtres, quartiers-maîtres et matelots sur la peau d’bouc.

Tandis que le vieux répond au navire-amiral, je n’en mène pas large, je suis sur le cahier de punis ! Saine distraction pour rompre cette ambiance, rappel au poste de combat ASM.

Je prends la veille optique à tribord de la passerelle.

La mer n’est pas formée, un vent violent casse la crête des vagues. On ne voit que des moutons et les embruns atténuent fortement la visibilité. Je me dis que, comme à l’habitude si on a un contact sonar, il fera beau !

Tout va bien, jusqu’à ce que le pc ASM annonce : Attention le sous marin est susceptible de faire une indiscrétion périscopique. 

Les veilleurs sont appelés à une vigilance accrue. Avec le vieux dans mon environnement immédiat… les jumelles restent rivées au niveau des orbites oculaires. Et soudain, dans cette visibilité à couper au couteau, j’aperçois un sillage blanc et des mâts petits et perpendiculaires, « Périscope ! » On relève l’azimut, d’autres yeux scrutent au loin, on ne voit plus rien…

Le vieux signale que nous avons cru déceler les aériens du bateau noir. Deux navires sont dépêchés à l’endroit présumé. En guise de sous marin, on se trouve face à un bâtiment de commerce et ses mâts de charge !

J’ai eu droit à quelques remarques sur mon aptitude à reconnaître un périscope. Il n’empêche que j’avais bien vu ce qui y ressemblait, dans cette purée de ouate.

Au rapport je craignais de rester au-delà de ma quille, prévue fin janvier. J’avais du sursis au motif, « tenter de s’approprier le bien d’autrui » Arrêté par les gendarmes maritimes et retenu à la porte de Pontaniou à Brest j’étais rentré à bord avec la serviette et les papiers militaires d’un des gendarmes… Le bidel avait « négocié » comme on dit maintenant. Le gendarme en échange du retour de son bien, en toute discrétion, avait abandonné l’idée de me faire mettre au trou pour cette « broutille »

Un malin m’a tout de même collé ce motif qui a bien amusé l’équipage !