VOIE D'EAU !



Après avoir démagnétisé le bâtiment, nous avons appareillé de Brest en fin d'après midi... La mer n'était toujours pas calmée, par prudence le pacha a ordonné la plongée dès que les fonds étaient suffisants. Nous avons aussitôt commencé une série d'exercices aéros qui allaient durer jusqu'à 20H00, heure à laquelle, je prenais le quart.

Nous étions le mercredi 17 décembre, nous transitions en plongée vers un autre carreau où nous devions attaquer des escorteurs... Je venais de reprendre mon quart au sonar, il était 8H00. Nous naviguions à une immersion de 40m, le Commandant préparait son attaque. Celui ci ordonna immersion 200m, assiette -15, le bateau s'inclina et plongea dans les profondeurs. Lorsque tout à coup ! arrivés à environ 150m d'immersion, nous avons entendu comme un grand bruit d'écoulement d'eau qui allait en augmentant au fur et à mesure de notre descente. Les officiers arrivèrent très rapidement, les ordres fusaient de toute part. L'Officier Mécanicien m'ordonna de prendre un seau et de récupérer le plus d'eau qu'il m'était possible et de le balancer. J'avais mal compris le sens de l'ordre et avec ma verve habituelle, je lui réponds 'je le balance par quelle fenêtre ?'. Il me réponds "pas de commentaires DORING, faites ce que je vous dis, jeter le maximum d'eau dans le poste avant". J'exécutais immédiatement l'ordre sans trop savoir pourquoi ? Entre temps, le Commandant avait ordonné "MOTEUR avant 5 ! chasser partout ! assiette +30", nous faisions surface en catastrophe. Le barreur au tableau de plongée était inexpérimenté. Il fit prendre plus de 50° de pointe positive au sous-marin. Le matériel qui n'était pas fixé, les crayons et règles de la table de plot tombaient sur le sol, brusquement, nous étions tous suspendus à quelque chose, l'un à un tuyau, l'autre à une vanne, encore un autre au montant du caisson à pomme de terre... Bref ! tout le monde s'est raccroché à ce qu'il pouvait, avec un sentiment défini comme, s'appelant : "la trouille". Personne ne savait ce qui se passait hormis le Patron de Central, Maître LEGOFF qui annonça immédiatement l'assiette à +50°, il avait bien évidemment déjà réagi, mais la manœuvre de rétablissement s'annonçait difficile, aussitôt le Commandant ordonna "ouvrer les purges avant". En effet, nous étions en procédure d'urgence et faisions surface en catastrophe toutes les purges fermées et nous chassions partout. En ouvrant les purges avant, l'eau s'engouffrant dans les ballasts agissait immédiatement, le bâtiment se redressa. Le Patron de central reprit la situation en mains, le commandant fit rendre compte de l'état du bâtiment. En remontant, la pression diminuant, la fuite au panneau officier s'était fortement réduite. Nous n'étions pas encore en surface, le Commandant après un bref tour d'horizon à l'écoute, ordonna à nouveau " fermez les purges à l'avant, chassez partout, faites SURFACE!".

Peu de temps après, nous étions en surface, nous avons aussitôt vérifié les causes de cette voie d'eau. En fait, il s'agissait du joint de panneau qui avait simplement bougé et s'était mal écrasé lors de la fermeture du panneau. L'Officier Mécanicien remit en place le joint et tout rentra dans l'ordre. Après un essai de dépression pour vérifier l'étanchéité, nous avons plongé et repris les exercices interrompus.

Je me suis excusé auprès de l'Officier Mécanicien pour la remarque que j'avais formulée. J'avais malgré tout compris, après avoir mal agi, qu'il avait tout à fait raison. La voie d'eau au panneau officier était relativement importante et se situait juste au dessus du panneau d'accès aux batteries. Même si celui ci est en principe étanche, il y avait possibilité d'une infiltration d'eau de mer dans le compartiment batteries, ce qui pouvait provoquer une réaction chimique avec dégagement de Chlore et tout ce que cela suppose... un grave danger pour l'équipage. Le fait de balancer l'eau dans le Poste Équipage situé à l'avant du Poste Officier permettait de se préserver de cette éventualité et les pompes d'assèchement de cale faisaient le reste... L'Officier Mécanicien ne me tint pas rigueur de cette malencontreuse réaction ce dont je le remercie beaucoup. La seule chose qui me chagrine c'est qu'avec le temps, j'ai oublié son nom. Mais depuis... Ça y est ! Le nom m'est revenu, c'était l'Officier Mécanicien André LE SOMMIER (son fils Erwan m'a contacté et annoncé son décès), il était breton originaire des Côtes d'Armor (Pleslin-Trigavou), qu'il repose en paix.